Elle a fait du monde son atelier, et des objets du quotidien, une étrangeté discrète. A la faveur d’une résidence de trois mois, l’artiste Dominique Ghesquière (née en 1953) investit le célèbre bâtiment du Centre international d’art et du paysage, construit par Aldo Rossi et Xavier Fabre, avec une série de pièces en lien avec l’histoire du lac de Vassivière, sa mémoire, sa flore et sa géographie. Son idée : "rendre le paysage sensible et lui donner une âme".
Dans la longue nef, la terre semble arrachée à son destin. Impressionnante de beauté, l’œuvre s’intitule "Terre de profondeur" et prend possession des lieux et du visiteur sur près de 200 m². Ce sol craquelé en terre cuite, sorte de sculpture all over réalisée avec l’artisan Alain Bouisset, est une évocatoin du fond du lac. "Lorsque la retenue d’eau est vidangée, tous les dix ans environ, l’eau s’évapore, la terre se rétracte, se fissure et semble se dessiner elle-même", explique l’artiste. Un sol qui laisse affleurer la mémoire des lieux, enfouie dans l’épaisseur sensuelle et douceâtre de la terre. Une partie invisible au regard et pourtant là, bien vivante. L’exposition se poursuit, dans le phare, entre feuilles mortes qui respirent et peinture d’écume. Plus loin, une série d’isolateurs diffracte la lumière jusqu’à l’infini. Dans le petit théatre, un tapis de fougères émerge du parquet. On sort de ce parcours avec le doute au fond des yeux. Comme si l’artiste voulait annuler la perte et l’oubli pour se confronter à la fragilité du monde. Un regard vibrant d’une intense poésie.
Françoise-Aline Blain